La place de la voix

Qui aime sa propre voix ? Peu d’entre nous. Pourquoi ?

Peut-on travailler sa voix pour l’améliorer ? Beaucoup en doutent.

Suffit-il de parler fort pour être entendu ? Peut-être pas, tout au moins pour ce que l’on voudrait ou devrait faire entendre.

Que doit faire entendre la voix de l’orateur ? C’est difficile à dire.

Dans notre culture, en dehors des artistes (et encore pas de tous les « artistes ») personne n’est certain de ce qu’il peut dire sur sa propre voix et sur la voix en général.

Pourtant, simples auditeurs, nous sommes tous capables de dire que tel orateur a une voix superbe et que tel autre a une voix désagréable. Nous sommes sensibles aux voix. A l’opéra par exemple, les plus belles nous émeuvent parfois au-delà de ce que nous pensions possible. Nous sommes donc tous doués d’une sensibilité artistique.

Notre culture occidentale ne sait pas donner à la voix la place qu’elle devrait avoir dans la vie publique. Et la façon dont elle intègre les nouvelles technologies de communication n’est pas susceptible de l’y aider, bien au contraire. Le résultat est que nos orateurs sont de plus en plus sur-préparés intellectuellement, jusque dans les moindres détails de leurs textes, et qu’ils le sont de moins en moins physiquement.

Et voilà maintenant que s’impose l’impérieuse nécessité d’une épreuve orale au baccalauréat et que se répand partout la mode des concours d’éloquence. Les nouveaux professeurs d’éloquence et leurs élèves sauront-ils dans l’urgence, enfin donner à la voix la place qu’elle mérite dans le discours ? Rien n’est moins sûr et des cours de chant n’y suffiront pas. L’Art Lyrique et l’Art Oratoire sont deux arts différents. En cas d’échec, il est à craindre que l’Art Oratoire disparaisse complètement de notre vie publique. Il est déjà fort mal en point, on n’ose imaginer les conséquences humaines que cela pourrait entraîner au sein de nos organisations.

Donner enfin sa place à la voix des orateurs, pas seulement en politique mais aussi en entreprise, dans les associations et dans les écoles, est une urgence pour la santé de notre vie sociale.

C’est pourquoi cette année nous avons choisi « La Voix » comme thème de notre Université d’été.

 

 

Stéphane André