Christiane Taubira seule oratrice

98c18860fec6ee86b4b0c3282247f

« Le Parisien »  du jeudi 28 janvier rapporte ce compliment du député LR Philippe Gosselin à Christiane Taubira : « Comme c’est une formidable bretteuse, elle nous a obligés, nous ses adversaires politiques, à être meilleurs et à élever le débat. Je suis soulagé de la voir partir de la Justice, mais elle a du charisme ». Le journal rappelle que ce député fut un « féroce adversaire de la loi sur le mariage pour tous » superbement défendue par Taubira face à la chambre. Le compliment de Gosselin est le plus beau qu’on puisse lui faire.

Au-delà du charisme de l’oratrice invoqué par tous comme une rengaine, le député pointe chez l’ex Garde des Sceaux  une vertu des grands orateurs rarement citée, qui fait pourtant leur noblesse : ils élèvent toujours le débat. L’habitude de penser l’Art Oratoire en termes de fond et de forme finit par rendre aveugle à cette vertu. Le grand orateur peut, dit-on donner une forme superbe à son discours, et décevoir par une absence de fond. C’est impossible.

Aristote avait conscience qu’il enseignait mieux en marchant. La marche est une mise en mouvement saine et simple du corps, qui ne peut que favoriser la mise en mouvement saine et simple de la pensée. Nous voyons chaque jour dans les réunions des orateurs au corps recroquevillé et à la voix éteinte dont la pensée se complique et s’enlise. Nous en voyons d’autres dont le corps déplié pour regarder leurs auditeurs en face produit une belle voix, et dont en même temps la pensée s’élève au-dessus de ce qu’ils avaient prévu en préparant leur discours. Un orateur débutant dans le « métier » en est toujours surpris. Christiane Taubira ne doit plus l’être depuis longtemps.

Enfin, le théâtre nous a enseigné que le personnage qu’incarne l’acteur était toujours plus grand que sa personne. Il élève sa pensée à la hauteur de celle de Molière, ou de Shakespeare. C’est dire s’il l’élève ! En politique, dans l’enseignement et en entreprise, le personnage (ou la fonction) qu’incarne le grand orateur est aussi plus grand que lui, et élève donc aussi sa pensée. Mais acteur ou orateur, l’interprète n’incarne son personnage que s’il sait se servir de sa carne. C’est alors pour lui une occasion réjouissante d’élever sa pensée, et d’aider les autres à élever la leur.

Hélas, nos orateurs politiques ne savent plus se servir de leur corps pour incarner des personnages. Ils ne montrent donc dans le débat politique que leur personne et abaissent ainsi son niveau. En convoquant correctement son corps dans ses discours, Christiane Taubira l’a élevé. Philippe Gosselin l’a relevé, qu’il en soit remercié.

Le fait que Christiane Taubira apparaisse à tous aujourd’hui comme une oratrice exceptionnelle est un constat catastrophique pour notre démocratie.