Le manager incarne sa fonction

Le manager en entreprise, comme le député dans une démocratie, a le devoir d’incarner sa fonction. Mais l’entreprise n’étant pas une démocratie, sa charge s’énonce différemment : alors que le député doit incarner au parlement les idées et les projets de ceux qui l’ont élu, le manager doit incarner face à ses collaborateurs le projet de l’entreprise pensé par ses dirigeants. Ne nous trompons pas, les collaborateurs ne sont pas des électeurs. Mais l’Art Oratoire est tout aussi indispensable à l’entreprise qu’à la démocratie.

L’incarnation d’une fonction métamorphose nécessairement la personne qui l’occupe en quelque chose de plus grand qu’elle. Mais le manager plus encore que le politique résiste bien souvent à cette perspective. Soit il sent qu’elle sacralise par trop sa personne et que sa mission très concrète ne saurait relever du religieux, soit il pense qu’il n’est pas en entreprise pour « faire l’acteur » et dans sa bouche l’expression hélas est péjorative. Ces deux idées de l’incarnation, l’une trop sublime et l’autre trop dégradante, découlent de notre culture judéo-chrétienne (les esprits se souviennent de l’excommunication des comédiens). Dans l’entreprise, elles empêchent bien souvent le manager de voir la ressource qu’il pourrait tirer de son corps pour réussir cette métamorphose. La Nature la lui a organisée, la technique de l’Art Oratoire peut la mobiliser. Resurgit ce bon vieil angle mort dans notre culture, qui fait que le manager ne voit pas que la simple utilisation de cette ressource lui suffirait à incarner sa fonction.

Entrez en réunion devant votre équipe en décidant de vous intéresser à elle. Tout en marchant vers votre place, mobilisez votre regard portant cet intérêt décidé en passant aléatoirement de l’un à l’autre de vos collaborateurs, chaque fois dans une relation singulière. Si votre intérêt pour eux est puissant, vous sentez que votre dos se redresse peu à peu pendant cette marche et parfois même encore une fois installé à votre place. Nous disons dans notre école que « le regard amène le dos ». Vous achevez ce redressement étrangement plus grand et plus droit que d’habitude, doté d’un dos spécialement tonique. Ce processus est naturel. Il dépend uniquement de l’authenticité et de la puissance de votre intérêt décidé pour vos collaborateurs. C’est le processus de la métamorphose de votre personne en personnage-incarnation de votre fonction. Elle s’est opérée sous les yeux de vos collaborateurs sans qu’ils aient compris comment. Ils ne s’en plaignent pas, au contraire, le public a besoin de mystère. A présent, vous pouvez commencer à parler. C’est votre fonction qui parlera.

Attention ! A regard et dos exceptionnels, il faut une voix exceptionnelle, sinon la métamorphose risque de ne pas tenir jusqu’au terme de votre présentation. Votre carrosse pour rentrer chez vous se transformerait en citrouille. Mais ceci est une autre histoire.

Stéphane André