Une déclaration de guerre.

Le bref discours du Président Roosevelt à la tribune du Congrès Américain, par lequel les Etats Unis déclarèrent la guerre au Japon au lendemain de l’attaque surprise de Pearl Harbour, porte le message d’une époque hélas révolue, où les grands orateurs faisaient l’Histoire.

A situation exceptionnelle, il faut des orateurs exceptionnels. Au regard du seul critère qui les caractérise, la puissance de leur voix, Franklin Delano Roosevelt, ce jour-là, fut l’un d’entre eux. Ecoutez ce discours dans la vidéo qui suit cet article. Le texte en est simple, si simple qu’il est compréhensible même pour l’auditeur peu habitué à entendre l’anglais. Pas de procédés rhétoriques remarquables ni de grands gestes. Seulement l’effort manifeste de l’orateur de produire une voix puissante.

Il est dommage que le terme vociférer signifie dans le français moderne parler en criant. L’étymologie latine en est pourtant claire. Fero, je porte, vocem, la voix. Rien à voir avec l’idée d’un cri désagréable à l’oreille.

En ce tragique 8 décembre 1941, le Président Américain ne crie pas. Il produit seulement une belle et grande voix dont la vibration lui donne et donne à ceux qui l’écoutent la passion qui les engage lui et eux dans l’effort de guerre pour emporter la victoire. A elle seule, cette voix fait toute l’efficacité du discours et détermine du même coup l’engagement du pays tout entier derrière son Président.

Le cœur de l’éloquence est dans la puissance et la musicalité de la voix des grands orateurs. En Art Oratoire, comme à l’opéra ou au théâtre, aucun texte ne vaut sans la voix portée de celle ou de celui qui le dit. Aujourd’hui on a le sentiment que vociférer n’intéresse plus nos orateurs. C’est pourquoi leurs paroles ont de plus en plus de difficultés à produire les effets qu’ils en attendent.

En ces temps déraisonnables, où notre Histoire s’emballe, puisse le confinement de nos dirigeants leur rendre l’idée de faire porter leur voix, pour en reprendre la maîtrise.

Stéphane André