Nathalie Loiseau s’explique

Le Journal du Dimanche du 26 mai, jour de l’élection européenne, cite Nathalie Loiseau : « Une femme en meeting, c’est hyper compliqué. Si on parle fort, on est dans les aigus. Si on parle normalement, ce n’est pas assez fort. Si on scande, on est arrogante. Si on ne scande pas on est molle. » Pour elle, la tribune n’est pas faite pour les femmes.

Elle oublie Simone Veil en 1974 tenant tête à une Assemblée Nationale essentiellement masculine en grande partie hostile à sa loi sur l’avortement, Ségolène Royal gagnant la primaire du Parti Socialiste en 2006 après trois débats victorieux contre Strauss Khan et Fabius, puis honorable challenger de Nicolas Sarkozy en 2007 alors qu’elle était poignardée dans le dos par les machos de son propre camp (« Qui va garder les enfants ? » plaisanta Fabius), et Christiane Taubira en 2013 à nouveau à la tribune de l’Assemblée Nationale prononçant sans notes un discours puissant sur le mariage pour tous qui lui valut l’hommage de quelques adversaires masculins.

Les clichés machistes ont la vie dure, Nathalie Loiseau les a malheureusement intériorisés. Dans son débat contre Marine Le Pen dans l’Emission Politique de France 2, où elle annonça si maladroitement qu’elle conduirait la liste LREM (http://www.ecoledelartoratoire.com/tout-est-dans-lanaphore-cest-peu-pour-alimenter-un-debat-didees/), on vit bien qu’elle n’avait en effet aucune prétention à l’éloquence. Elle pensait sans doute que sa seule connaissance des dossiers européens lui donnerait l’autorité nécessaire pour mener sa liste à la victoire, et que peu importait la façon dont elle allait s’exprimer. C’est une conception bien française du débat public : je vais convaincre puisque j’ai raison. Pendant la campagne, ses discours furent si ternes et l’écart pronostiqué avec le RN si catastrophique pour sa liste, qu’on la pria en dernière semaine de s’effacer pour laisser la place à Emmanuel Macron et Edouard Philippe (des hommes enfin !) qui allaient sauver ce qui pouvait l’être.

Des exemples comme celui de Nathalie Loiseau apportent de l’eau au moulin de ceux qui pensent que l’homme est naturellement plus doué que la femme pour le leadership. C’est évidemment faux. Si dans notre société soi-disant développée les hautes fonctions sont d’un accès plus difficile aux femmes, ça n’est pas parce que parler en public est « hyper compliqué » pour elles. Comédiennes, chanteuses et danseuses tiennent leur place dans les théâtres aussi bien que les hommes, et à l’opéra les divas sont bien des femmes. Elles peuvent donc aussi bien que les hommes tenir leur place à une tribune.

Il est indéniable que Nathalie Loiseau n’est pas douée pour parler en public. Mais dans la pratique d’un art (l’Art Oratoire ne fait pas exception), l’élève peu doué qui travaille réussit toujours mieux que l’élève doué qui ne travaille pas. Seule compte l’envie. En Art Oratoire le problème de Nathalie Loiseau n’est pas d’être une femme, il est de ne pas avoir d’envie.


Stéphane André